Yves Delville (04 mars 1920 - 19 août 2007)

Contacts

Michèle Delville
mdelville@hotmail.com

tel : 212.787.1323



Dominique Delville
taanit@hotmail.fr

tel : 0652418348

Avant - Propos

Francis Ryck était mon ami. Un ami de 27 ans.
Il n'était d'aucune chapelle et ne jouait pas le jeu du parisianisme mondain qui vous ouvre toutes les portes. Du coup, on parle moins de lui que de certains autres... C'est totalement injuste.
Francis Ryck était un écrivain majeur de la Série Noire mais il était surtout un écrivain majeur tout court.
Il détestait d'ailleurs, à juste titre, son étiquette d'auteur de polar qui lui collait à la peau.
Tous ceux qui ont lu une Série Noire de Ryck peuvent témoigner de son refus des codes et clichés du genre, de son indubitable originalité.
Il a écrit quelques merveilles sous le nom d'Yves Dieryck avant d'intégrer la Noire.
Ses héritières, ses filles Michèle et Dominique, vont faire rééditer ces oeuvres mais vous pouvez vous les procurer sur le net si vous ne voulez pas attendre. Vous verrez l'importance évidente de l'auteur et cela éclairera d'un jour nouveau toute son oeuvre à la Série Noire.
Promenade en marge restera probablement son plus beau roman. C'était en tout cas son avis et celui de tous ceux qui l'ont lu.
Bonne lecture !

Ses oeuvres


Albin Michel sous le nom d’Yves Dieryck :

• Au pied du mur (1957)
• Les barreaux de bois (1959)
• La panique (1962)
• Promenade en marge (1964) Grand Prix de la Société des gens de lettres
• Les Importuns (1965)

Collection Punch Presses De La Cité sous le nom de Francis Ryck :

• Les heures ouvrables (1963) (adapté au cinéma sous le titre « Une souris chez les hommes » réalisé par Jacques Poitrenaud)
• Nature morte aux châtaignes (1963)

Plon :

• L’histoire d’une psychose (1964)
• L’apprentissage (1965)

Gallimard Série Noire:

• Opération Millibar (1966)
• Ashram Drame (1966)
• Feu vert pour poissons rouges (1967)
• Le cimetière des durs (1968) (adapté à la télévision sous le même titre par Yvan Butler)
• Incognito pour ailleurs (1968)
• La peau de Torpedo (1968) (adapté au cinéma sous le même titre par Jean Delannoy)
• Drôle de pistolet (1969) (adapté au cinéma sous le titre « Le silencieux » par Claude Pinoteau)
• Paris va mourir (1969)
• L’incroyant (1970)
• Les chasseurs de sable (1971)
• Le compagnon indésirable (1973) (adapté au cinéma sous le titre « Le secret » par Robert Enrico)
• Voulez-vous mourir avec moi ? (1973) (adapté au cinéma sous le même titre [ titre original allemand : Der Kuß des tigers ], par Petra Haffter)
• Le prix des choses
• Le testament d’Amérique (1974)
• Effraction (1975) (adapté au cinéma sous le même titre par Daniel Duval)

Super Noire :

• Les fils des alligators (1977) (adapté à la télévision sous le même titre par André Farwagi)
• Nos intentions sont pacifiques (1977) (adapté au cinéma sous le titre « L’entourloupe » par Gérard Pirès)
• Prière de se pencher au dehors (1978)

Hors série :

• Nous n’irons pas à Valparaiso (1980)

Albin Michel :

• Le piège (1981) (adapté au cinéma sous le titre « Deux minutes de soleil en plus » par Gérard Vergez)
• Le nuage et la foudre (1982)
• Le conseil de famille (1983) (adapté au cinéma sous le même titre par Costa Gavras)

Balland :

• Il fera beau à Deauville (1984)

Ramsay :

• Requiem pour un navire (1989)
• Les montagnes bleues de Guilin (avec Marina Edo)

Albin Michel :

• Un cheval mort dans une baignoire (1986)
• Autobiographie d’un tueur professionnel (1987)
• Le point de jonction (2000)

Presses De La Cité :

• Les genoux cagneux (avec Marina Edo) (1990) (adapté à la télévision sous le même titre par Hervé Baslé)
• Les relations dangereuses (avec Marina Edo) (1991)
• L’été de Mathieu (avec Marina Edo) (1992) (adapté à la télévision sous le même titre par Sylvie Durepaire)
• La petite fille dans la forêt (avec Marina Edo) (1993)

Denoël :

• L’honneur des rats (1995)
• La toile d’araignée dans le rétroviseur (avec Marina Edo) (1995)
• L’autre versant de la nuit (avec Marina Edo) (1996)
• Satan S.A (1998) (réédition d'Ashram Drame)

Albin Michel :

• Mauvais sort (avec Marina Edo) (1999)

Gallimard :Série Noire :

• Fissure (1998)

La Noire :

• Le chemin des enfants morts (2001)

L’Archipel :

• La discipline du diable (2004)

Scali :

• La casse (2007)

Melis Editions :

• L’enfant du lac (2007)

Un joli poème

Un vrai amoureux de Francis Ryck qui a tout naturellement sa place ici!

25.08.2007

compagnon de poche

Alain Guillaume

J'aime pas trop agiter la cloche
de l'appel aux morts
les condoléances
la pose des âmes "bouleversées"
par la disparition d'un con célèbre
non non
me cherchez pas
sur la photo de famille

pourtant aujourd'hui
je peux pas chanstiquer
maquiller ma peine
une bien réelle
légère

mais là

nuage échappé du peloton
compagnon de poche
a l'effiloche
dans le ciel d'été

oh fors les amateurs
de la série noire de ma génération
son nom disait pas grand-chose
le bonhomme était plutôt discret
c'était même carrément Fort Knox
(a-t-il travaillé
dans les services secrets de la marine?
hum...no comment)

bien avant qu'eclatent
les éblouissants stylistes
ADG et Manchette
il était déjà là
dans l'ombre début cinquante
avec ses héros solitaires
et plus que désillusionnés
tueurs a gages
et marginaux errants
avec ce ton a lui
toujours écrit au présent
jamais un nom de famille
toujours un prénom
et prêt a le troquer
changer d'identité
pour un autre
de prénom

héros qui cherchaient une issue
une faille de lumière
en évitant les pièges a loups
les champs de mines
silhouettes esquissées
hors des conventions folkloriques
du genre
avec le milligramme de vécu
qui faisait toute la différence

oui
depuis trente ans
en dépit des purges sévères
des épurations salutaires
des passages par dessus bord
parmi les livres
qui vous "accompagnent"
vers le dernier îlot

les siens ont résisté
ils sont toujours là
sur mes étagères
et même les "incunables"
écrit sous le nom d'Yves Dieryck
et il se pourrait bien
que ce soir
je glisse un doigt accrocheur de poussière
sur la bordure jaune
des pages de la noire
années soixante

et refasse craquer
la petite musique
d'un indien silencieux

Francis Ryck est mort

http://aguillaume.blogsudouest.com/?s=Francis+Ryck

mardi 27 septembre 2016

Une magnifique vidéo dénichée par Dominique Delville sur le site de l'INA.
C'est neuf années avant que je ne rencontre Yves, lorsqu'ils vivaient avec France à Saint-Jeannet dans
ce qu'ils appelaient le cabanon, avant qu'ils n'aménagent à Carros. C'est très émouvant.

jeudi 8 septembre 2011

Carribbean Sista a écrit aujourd'hui

Je suis si heureuse de parcourir un espace dédié à Yvan..... Je l'ai connu quand j'avais une douzaine d'année, il habitait à Carros avec France, dans une petite maison avec du raisin framboise sur la tonnelle... c'était en 76... nous étions très proches, une rencontre pareille à cet âge on ne l'oublie jamais, nos conversations sont encore vives dans ma mémoire, nous nous sommes vus jusqu'à ce qu'il déménage de la rue Le Regrattier, nous avons pris un dernier verre dans un bistrot de son nouveau quartier, j'étais pressée, je ne suis pas allée l'aider à accrocher ses rideaux, j'ai quitté la métropole et j'ai appris sa disparition l'année dernière... Il me manque terriblement... sombre, grave et extrêmement drôle, malgré nos âges si différents nous étions deux éternels ados... A bientôt mon cher cher Yvan... ailleurs... Merci à toi Pierrino, d'accueillir ces témoignages et d'avoir créé cet espace qu'il mérite tant... Les souvenirs remontent, ça donne envie de les rassembler et de les fixer ici sur ton blog.....
Laurence

7 septembre 2011 05:52

mardi 27 octobre 2009

Ce blog tel qu'en un rêve

Ne m'en voulez-pas mais Francis Ryck a toujours été et sera toujours pour moi Yves. Mais ça n'a pas grande importance. Dites-vous simplement qu'à chaque fois que je m'oublierai à dire Yves, je parlerai bien de ce Francis Ryck que vous aimez. S'il y a bien une spécificité ô combien respectable, et pas forcément si évidente chez d'autres auteurs, chez Yves, c'est la totale adéquation entre ce qu'il écrivait et ce qu'il était vraiment, son attachement sincère à ses personnages hors du commun, le goût pour tous ces petits moments magiques de l'existence qui vous font oublier la terrible noirceur de notre condition. Je pense que les amateurs de Ryck forment une confrérie un peu à part et définitivement originale. Je sais qu'il y a un peu partout, disséminés, des fans orphelins, qui n'ont pas eu ma chance mais qui ressentent probablement un manque et qui, pourquoi pas, aimeraient s'exprimer sur Yves. Je ne demande pas mieux. J'aimerais que ce blog ressemble à Yves et soit une merveilleuse auberge espagnole où, comme dans ses romans, quelqu'un rapplique avec un oignon blanc, une bouteille, un peu de chaleur. Ne me laissez pas tomber ! Parlez-moi de Ryck. Envoyez-moi vos critiques et témoignages. Posez-moi des questions même, pourquoi pas ? Vous serez toujours les bienvenus ici.
Merci d'avance.
Ryck et moi

par Pierre Simonet




Tout a commencé sur un quai de gare. Un livre à choisir sur un tourniquet pour faire passer agréablement le temps d'un voyage à présent oublié.


Dans ma mémoire, le polar de poche édition Carré Noir me saute littéralement dans la main, me choisissant autant que je le choisis et, si ça ne s'est évidemment pas passé réellement comme ça, c'est l'image qui reste ancrée en moi, plus sûre que celle d'un film que l'on connaît par coeur.
Je ne savais pas, à l'époque, l'importance que ce petit geste anodin allait avoir sur ma vie.
Le titre du bouquin était "Effraction", l'auteur Francis Ryck.
Je ne suis pas un lecteur glouton, comme certains qui peuvent dévorer un livre en deux ou trois heures maximum, ne le lâchant plus du début à la fin. Non, je lis lentement car je joue toutes les phrases et tous les dialogues comme dans un film, passant du off au in. Et, lorsque j'aime un livre, je suis tellement heureux de le lire que j'aimerais que ce bonheur ne s'arrête jamais et je fais tout pour faire durer le plaisir. Dans le cas d'un excellent polar, cela relève parfois de l'héroïsme.
Ce dont je suis sûr, c'est que je n'ai pas fini "Effraction" dans le train mais dans mon lit, dans ces moments calmes qui précèdent le sommeil.
Je me souviens de ce léger frisson qui m'a parcouru et de cette vague envie de pleurer, juste avant de refermer le livre, deux symptômes indiquant chez moi une rencontre inoubliable avec un roman.
J'avais 19 ans et n'étais pas très avancé sur les choses de la vie. Sorti d'un collège catho (je ne renie et ne regrette rien d'ailleurs), éducation bourgeoise et aisée avec parents aimants, je n'étais pas vraiment préparé à me prendre d'affection pour Val, braqueur de banque assassin, personnage lourdaud semant la mort autour de lui. Le personnage principal d' "Effraction" qui prend un couple en otage. Je n'ai jamais réussi à voir le film de Duval tiré du livre mais je suis sûr que c'est une catastrophe. Ce que je sais, c'est que l'auteur le haïssait.
Comme souvent lorsque je tombe amoureux, que ce soit d'un livre, d'un album musical ou d'un film, il me faut découvrir au plus vite les autres oeuvres de l'auteur.
C'est ainsi que je lus tous les romans de Ryck qui me tombaient sous la main, et Dieu que c'était facile à l'époque. On pouvait trouver pratiquement toute son oeuvre à la série noire dans toute librairie digne de ce nom. C'était avant... bien avant. Epoque bénie que l'on n'a peut-être pas su apprécier suffisamment.
"Prière de se pencher au dehors", "Nos intentions sont pacifiques", "Paris va mourir", "Voulez-vous mourir avec moi?","Le testament d'Amérique", "Les chasseurs de sable","Les fils des alligator","L'incroyant", "La peau de Torpedo", "Le compagnon indésirable" etc... Je ne peux pas tous les citer. Ryck avait déjà écrit 18 romans à la Noire à cette époque. Je les ai tous lus, méthodiquement. Aucun ne m'a vraiment déçu. Même ses oeuvres des débuts à la série noire, considérées comme mineures, telles que "Opération Millibar" ou "Incognito pour ailleurs" trouvaient grâce à mes yeux. Bon, il faudrait sûrement que je les relise maintenant pour m'en faire une idée plus objective.
Très vite, je connaissais donc toute l'oeuvre de Ryck à la Série Noire.
C'est là que je pris la décision de lui écrire. J'aimais cet auteur par dessus tout, j'étais épris de ses personnages que j'avais l'impression de connaître, qui me parlaient. J'aimais son discours sur la vie, son ouverture au mystère. Je désirais rencontrer l'homme. Tout en étant conscient du risque important d'être déçu.
Je pris mon stylo Bic d'étudiant à la Fac et m'attelai à la tâche, un peu inconscient.
Je ne sais plus exactement la teneur de cette lettre. Ce dont je me souviens, c'est que c'était une vraie déclaration d'amour, sans ambiguïté, à un auteur et à son oeuvre. Avec un petit ultimatum gonflé du style, "si vous êtes la personne que je crois que vous êtes, vous ne pouvez pas ne pas me répondre...", et un autre passage poétique citant une scène de "Prière..." qui m'avait marqué, la mettant en perspective avec la situation.
Je l'ai donc écrite et envoyée aux éditions Gallimard cette lettre, n'en attendant rien de spécial pour être franc.
Puis, un jour, il y eut un coup de fil. Et ce coup de fil était pour moi. C'était lui, c'était Francis Ryck.
J'étais étonné, heureux et un peu intimidé.
La voix était chaude et douce, un peu traînante, étrangement masculine et féminine en même temps, assez fascinante en fait.
Car, au tout début, pour moi, Francis Ryck ne fut qu'une voix. Une voix que je ressentis instantanément comme une voix amie, une voix importante... sans réellement pouvoir me l'expliquer.
Le premier échange fut rapide et évident. "C'est trop bête, j'étais à Paris très récemment, on aurait pu se voir. Là, je suis redescendu... j'habite dans le sud...".
J'avais l'impression de marcher sur un nuage. Ma lettre ne devait pas être si mal que ça finalement.
(A suivre)

lundi 13 avril 2009

Clément Bulle

Clément Bulle avait écrit cet article pour "Polar et pollens" dont nous avons déploré ici l'arrêt.
Il a répondu à mon souhait d'ouvrir largement ce blog à tous les amoureux de Ryck et c'est avec grand plaisir que je publie l'article qui suit.
Et je le remercie.

Francis Ryck aujourd'hui

Par Clément Bulle

On a beau assez peu goûter les toujours vivaces partis-pris comportementalistes subjugués en matière de polar, on ne peut s’empêcher d’apprécier le savoir-faire de certains auteurs, spécialement lorsqu’il se dédouble de fantaisie et d’humour noir. C’est bien le cas avec Ryck, dont l’étoile pâlit fort à côté d’un Manchette qui jouit plus que jamais d’une véritable aura mythique. Ryck, en comparaison, parait quelque peu oublié ; injustement, à notre avis. On voudrait ici tenter quelques explications. Comparer la trajectoire de ces auteurs qui se sont tous deux revendiqués du situationisme et ont travaillé sensiblement à la même époque pour l’industrie cinématographique.

Rocambole

Très loin de chercher à gérer son oeuvre, de lui construire une cohérence conceptuelle, d’ambitionner un rôle critique, il semble que le tracé de l’oeuvre de Ryck soit des plus sinueux. Tout le contraire d’un Manchette dont il faut rappeler qu’il a gardé une maîtrise absolue sur une oeuvre dense (quand Ryck a produit quelques 60 romans qui empruntent à différents genres) tout en construisant son statut d’icône à la fois en n’écrivant plus (de romans) et beaucoup (de critiques). Gestion de l’image aussi, dont on a un aperçu avec la dernière interview livrée par Manchette au magazine Combo , lunettes noires et bagouzes énigmatiques, au somment de son autorité papale sur la chapelle polareuse. « L’intéressant Francis Ryck » dira seulement de lui Manchette dans ses Chroniques ; silence éloquent.

Il ne s’agit pas de faire de Ryck un pur situ (ce qu’il fut, un temps, dans les années 60), absolument deconnecté de toute ambition mercantile, ce serait faux et ridicule. Mais force est de reconnaître une absence de plan de carrière littéraire, un debraillé délibéré qui jure avec la sécheresse et la cohérence du projet Manchettien. Le détour biographique s’avère déterminant pour saisir un peu de cette complexité ; il faut lire absolument le très bel article sous forme d’hommage signé par France Delville qui rappelle le lien entre Debord et Ryck (lire la correspondance de Debord à ce sujet : Guy Debord Correspondance, Vol 5: Janvier 1979-Decembre 1987, Librairie Artheme Fayard, 2006; notamment la lettre du 15 octobre 1984 à Floriana Lebovici qui donne une idée du rocambolesque Ryck) .

Une étiquette réductrice

D’autres hypothèses peuvent être avancées sur les raisons de cette désaffection. Car elle pose question, tant il est évident qu’on est là en présence d'un stysliste qui allie behaviorisme à goguenardise, d’un auteur qui connaît sa matière et les lois des genres qu’il travaille, à savoir principalement le roman policier et le roman d’espionnage. Avec des pages inspirées, où le souci du détail s'ajoute à celui de restituer au personnage son épaisseur d'ombre et de mystère. J'en veux pour preuve l'un de ces "romans d'espionnages" qui firent sa renommée, labelisation de son oeuvre que l'on retrouve dans le Dictionnaire des littératures policières (sous la direction de C. MESPLEDE; Joseph K, 2003) et qui contribue peut-être à l'oubli dans lequel cette oeuvre pourrait un jour tomber. Le roman en question s'intitule La Peau de Torpedo (SN 1232; 1968). En pleine guerre froide, l'URSS infiltre l'ouest par le biais de ses réseaux, ceux de France étant notamment activés par d'anciens de la résistance. Pierre, le chef de réseau a des faux airs de Lino Ventura dans L'armée des ombres. Mais un type qui sirote son thé en croquant des morceaux de sucre est forcément faillible. RYCK est un créateur de personnages qui échappent aux stéréotypes du genre. C'est un amoureux de Paris, aussi, dont il décrit ici si bien l'atmosphère, ses rades encombrés de beatnicks qui contrastent tant avec le travail de l'écrivain, précis, minutieux, mais aussi avec la mécanique implacable de "l'orga" et la belle geule glabre de Torpedo, sorte de James Bond sauce moscovite. Voilà pourquoi l'estampillage "roman d'espionnage", s'il colle bien à la géopolitique d'alors et constitue donc un argument commercial en 68 est-il terriblement injuste. Il condamne aujourd'hui RYCK à une inévitable ringardisation. Un grand nombre de ses romans parus en SN portent en effet le bandeau jaune électrique "espionnage" en couverture ; effet repoussoir garanti : le curieux se dit d'emblée qu'il s'agit de mauvaise littérature, datée qui plus est. Impression renforcée par le fait que les livres de RYCK ne se trouvent plus guère que cornés, rongés par l'humidité, ou au contraire craquant sous la sècheresse du temps qui passe.
Les espions sont passés de mode, quant à la guerre froide me direz-vous...Oui, oui, mais RYCK répétons-le, c'est autre chose...

Découvrir Ryck

Il faut savoir ne pas s’arrêter à ces peu engageantes conditions de réception, ou plutôt de découverte de l'oeuvre de RYCK ; ne pas juger trop vite de ce qui se cache derrière ce pseudonyme américanisant qui là encore, renvoie à une autre époque ; pseudonyme qui se télescope aussi un peu malheureusement à « riche » et « ric-rac »...Tout cela n’est rien. Ceci dit en matière d'avertissement à tout amateur de polars, tombant un jour au fond d'un bac du bvd St Michel ou dans une brocante du sud seine-et-marne sur un exemplaire fissuré avec le nom RYCK en en-tête. C'est ainsi aussi, que l'on continue de venir au polar aujourd'hui, et aux romans de RYCK en particulier, et il n'y a pas forcément lieu de le déplorer. Qu'il ne se laisse pas, ce flâneur, gagner par une ironie facile, mais sache dépasser les apparences disgrâcieuses : c'est du bon, RYCK, vu de l'intérieur. Tant est si bien que le cadre et l'époque importent de manière absolument secondaire.

Novembre 2007.

vendredi 3 avril 2009

Le chemin des enfants morts

Une critique

http://livres.lexpress.fr/critique.asp?idC=2312&idR=9&idG=3

Polars et Pollen

Polars et Pollen n'est plus ! Et nous sommes bien tristes !
Dom (comprendre Dominique Delville, sa fille, mon amie) m'a fait parvenir cet article :

Fuite en arrière
Magazine Littéraire n°386 - 01/04/2000

Francis Ryck est probablement l'auteur le plus imprévisible de la littérature policière française. Chaque fois que paraît un de ses nouveaux livres (il en a publié plus d'une quarantaine depuis 1957 dont plusieurs, ces dernières années, en collaboration avec Marina Edo), on ne sait jamais trop sur quelle voie il va conduire ses lecteurs : le roman d'énigme, le roman noir, le roman d'aventures, le roman d'amour, le thriller psychologique, l'espionnage (à l'instar de Feu vert pour poissons rouges qui vient d'être réédité)... Et on ne sait jamais trop non plus sur quel mode il va raconter ses captivantes histoires, s'il va être sérieux ou parodique, romantique ou désabusé, iconoclaste ou drôle, intimiste ou bouillant de colère pour dénoncer sans ménagement les abus et les dérives de la politique, de l'industrie et de la science. En revanche, on sait toujours qu'avec lui on ne sera presque jamais déçu, et d'autant moins qu'il a une patte, une écriture étonnamment alerte où se mélangent d'habitude le langage le plus concis, le style oral et syncopé, le ton frénétique et le lyrisme. C'est du reste ce qui justifie le commentaire élogieux de Robert Deleuse dans ses Maîtres du roman policier (éd. Bordas, 1991) quand il remarque que Francis Ryck n'est pas un simple auteur de « genre » mais aussi, comme il le précise avec justesse, un « maître du roman tout court ». Le Point de jonction , sa dernière oeuvre, est bâti à la manière d'un suspense : après avoir infiltré un réseau de trafiquants de drogue et avoir tué l'un d'entre eux, Peter a entraîné Julia, sa compagne, dans une interminable cavale, à travers l'Europe et l'Afrique du Nord. Il n'ignore pas que l'Organisation qu'il a trahie est à sa recherche depuis treize ans déjà et que, tôt ou tard, elle réussira à le retrouver. D'étranges rêves récurrents les poussent un beau jour à fuir de nouveau, alors qu'ils s'étaient réfugiés dans un chalet retiré, à la lisière d'un bois, et qu'ils étaient en train de vivre, ainsi qu'un couple ordinaire, une vie presque bourgeoise, lui s'adonnant à la peinture, elle travaillant dans un laboratoire. Sur l'autoroute, Peter se sent suivi et quand il finit par arriver avec Julia dans une petite ville côtière, il est persuadé que son destin va s'y accomplir. A l'hôtel où ils descendent, Julia et lui rencontrent un certain Berndt qui est flanqué d'une petite fille et dont le comportement bizarre les perturbe davantage encore. Ensuite, ils louent un sémaphore désaffecté, au sommet d'une falaise, où ils sont très vite confrontés à toute une série de faits dépassant l'entendement et la raison et où ils ont le sentiment de basculer tous les deux au coeur d'un monde peuplé par des fantômes, à croire que se serait produite une « contraction du temps ». Et puis soudain, au bout de leurs tourmentes et de leurs lancinants cauchemars, surgissent les hommes de l'Organisation, bien décidés à assouvir leur vengeance... La tentation du paranormal et de l'irrationnel n'est pas du tout nouvelle chez Francis Ryck. Dans Opération Millibar par exemple, le premier de ses livres à avoir été publié dans la Série Noire en 1966, une femme communique télépathiquement avec un homme, et dans Fissure qui date de 1998 et qui a également paru à la Série Noire, il est question de magie et de karmas, après qu'un essaim d'abeilles est venu s'installer sur le toit d'une maison, dans l'arrière-pays cannois. Mais, avec Le Point de jonction , Francis Ryck s'est attaché à un thriller qu'on ne peut que qualifier de fantastique, même si, dans les ultimes pages du roman, le récit prend un tour réaliste inattendu. Oui, décidément, quoi qu'il écrive, cet homme, ce géant de la littérature policière française, est imprévisible.

Alexandre lous

lundi 23 février 2009

Jean-Pierre Deloux

Je viens d'apprendre le décès de Jean-Pierre Deloux qui avait interviewé Ryck pour "Polar" tel que reproduit ici sur ce blog. Je l'avais eu au téléphone il y a quelques mois car j'avais envie de le rencontrer pour qu'il me parle de cette interview. Le destin en a décidé autrement. Je présente mes sincères condoléances à sa famille.

mardi 17 février 2009

Un bel article de France

France était sa compagne lorsque j'ai rencontré Yves. Nous avons passé, ma soeur et moi, deux semaines de rêve en leur compagnie, à Vence. J'avais vingt ans, c'était le début de notre amitié ; je n'oublierai jamais ces moments.
France a écrit un beau texte dans le journal "Le patriote". Allez directement en page 12.

http://www.le-patriote.info/IMG/pdf_2084.pdf

lundi 10 novembre 2008

Vérifier

Eh oui ! Vérifier toujours et encore les nouvelles entrées sur Google.

Un bel article qui ne doit pas être récent.
http://www.magazine-litteraire.com/content/recherche/article?id=3514

vendredi 4 juillet 2008

Ses passages télé

Dossiers souvenirs Emission de Claude-Jean Philippe et Monique Lefebvre sur Antenne 2 en 1970.

Apostrophe le 07/04/78 dont le thème était "Quelques gens d'aujourd'hui", à l'occasion de la sortie de Prière de se pencher au dehors.

Etoiles et toiles Emission cinéma de Frédéric Mitterrand. Portrait à l'occasion du tournage de "Conseil de famille" de Costa-Gavras, en 85 probablement.

Droit de réponse Emission de Michel Polac, en 87, à l'occasion de la sortie de Autobiographie d'un tueur professionnel.

dimanche 9 mars 2008

Polar n°22 (Editions Rivages)


Si vous aimez Francis Ryck ou si vous voulez le découvrir, procurez-vous ce numéro de Polar qui lui consacre un dossier complet et très bien fait.









Il y a un entretien très réussi, le voici :

Polar : Vous êtes né le 28 décembre 1920 à Paris, selon certains historiens du polar.

F.R : Ils se trompent : je suis né le 4 mars 1920.

Polar : Votre nom c'est bien Delville?
Un père français, une mère russe?

F.R : Elle n'est pas russe. Sa mère était russe. Son père était français.

Polar : Ascendance viking ?

F.R : Non. C'est les pseudo-historiens qui mettent des trucs comme ça.
C'est effectivement un très vieux nom russe... d'origine viking... ça date de l'occupation de la Russie par les Scandinaves.

Polar : Dieryck a été votre premier pseudonyme.

F.R : Oui. C'était le nom de ma grand-mère.

Polar : Selon certains historiens vous avez fait de courtes études.

F.R : Plutôt distraites, disons.

Polar : Vous auriez été tour à tour terrassier, carreleur, ouvrier agricole, tourneur, figurant de cinéma, représentant, convoyeur de voilier, et photographe de bébés !

F.R : C'était une toute petite arnaque. Je vivais avec une fille, à ce moment-là, à Lyon, dans une très grande période d'alcoolisme, qui a duré à peu près cinq ans. J'ai fait ce boulot qui consistait à aller photographier des bébés au porte à porte, dans les maisons, et après cette fille passait pour vendre les photos. On disait que c'était un concours de bébés. C'était un truc un peu bidon. C'est une période de ma vie qui est très belle. Je travaillais deux heures par jour, je gagnais de quoi payer chambre d'hôtel, repas, cinéma et pinard. Et j'étais content. Voilà. C'était vraiment vivre au jour le jour !

Polar : Surtout à Lyon !

F.R : Surtout à Lyon, c'est la ville... pour ! C'est à ce moment-là que j'ai écrit mon premier roman... qui s'appelait Au pied du mur.

Polar : Comment est venue l'idée d'écrire?

F.R : (Soupir) Une sorte de... Un peu un besoin psychanalytique, un peu... n'employons pas de grands mots... mais un peu un besoin de raconter des choses, de transposer... C'est-à-dire que j'ai écrit deux ou trois bouquins que j'ai pas publiés, avant. Je me suis quand même exercé un petit peu. Et puis celui-là je l'ai envoyé en manuscrit chez Albin, comme ça, sans trop d'espoir que ça marche. Enfin ça a marché.

Polar : Vous en avez écrit quatre... à l'époque... chez Albin, ça marchait pas mal?

F.R : Oui, mais enfin... j'ai fini par m'engueuler avec Francis (note : Francis Esmenard, patron de l'époque), qui arrivait à ce moment là, qui était tout jeune, et qui a trouvé que je demandais trop d'argent pour ce que je faisais... (rires), son père était bien, mais lui Francis est arrivé en voulant tout réformer...

Polar : Et vous avez décidé d'écrire des polars, pourquoi?

F.R : Tout simplement parce que j'étais à ce moment-là à Villerville et que j'ai eu un accident de voiture...

Polar : En Normandie...

F.R : Oui, en Normandie, mais tout à fait par hasard...

Polar : Entre Honfleur...

F.R : Oui, entre Honfleur et Trouville. Et puis j'étais immobilisé... enfin, ma voiture était immobilisée... Elle était en morceaux. Je me suis dit tiens pourquoi j'essaierais pas un polar pour ne pas perdre de temps. Et puis je me suis aperçu que le polar ça me rapportait plus d'argent que d'écrire des bouquins littéraires, et le premier à qui je l'ai donné c'était Paoli, chez Plon. Je sais plus comment ça s'appelait...

Polar : C'est Les heures ouvrables où on trouve des personnages qui finalement ont été assez peu exploités dans le polar français, les personnages de cambrioleurs...

F.R : Ou alors des trucs vraiment magnifiques. Mélodie en sous-sol. L'histoire... avec le bijoutier, à Cannes. (1)

Polar : Qu'est-ce que vous avez pensé de l'adaptation de Poitrenaud?

F.R : Je n'aime aucune adaptation cinématographique de mes livres.








Polar : On parlera de cinéma tout à l'heure.


F.R : Mais je ne veux pas me mouiller trop. Comme je me suis déjà fait engueuler par Robert Enrico (note : réalisateur du Secret d'après Francis Ryck) pour des trucs que je disais... ça m'empêche de travailler pour le cinéma. Je passe pour un chieur, à chaque fois.

Polar : Vous n'avez participé qu'à un seul scénario.

F.R : (lentement) : Avec le pire des gougnafiers ! Duval ! (note : réalisateur d'Effraction d'après Francis Ryck). Il était beurré du matin au soir, sur le tournage. Il avait ramassé une fille en venant, qu'il amenait sur le plateau. C'est elle qui dirigeait ! Elle lui disait tu devrais faire ça... tu devrais faire ça... etc., à tel point que Marlène Jobert a dit moi je fous le camp j'en ai marre... ce fut le déclic...



Polar : C'est pourtant pas le pire film qui ait été adapté de votre oeuvre.

F.R : C'était lequel le pire?

Polar : Le Secret, d'Enrico, L'Entourloupe, de Pirès...

F.R : Il est bien fait le Pirès. Moi je vois pas un Français arriver à faire mieux que ça. (2)




Polar : Et Le silencieux (réalisé par Claude Pinoteau) qui est supposé être un très bon film...

F.R : Alors non ça, c'est zéro !

Polar : Par rapport à votre roman...

F.R : Rien. C'est des gens qui n'y connaissent rien.

Polar : S'il n'y avait pas Ventura, ce serait un cauchemar.

F.R : Oui.






Polar : Ventura est quand même le personnage.

F.R : Mais non ! Parce que c'est un film de plein air, et Ventura est un citadin. Et on ne le prend pas pour un physicien. Jamais. On se demande ce que les Russes foutent avec ce mec, pourquoi ils l'ont enlevé.

Polar : Les Russes sont parfois surprenants...

F.R : J'ai vu un truc à la télé, hier, qui m'a ébahi. Vous n'avez pas vu ce reportage sur les phages? (note : nom donné à un bactériophage [NDLR])

Polar : Non.

F.R : Les phages c'est une découverte russe qui date des années 35, et surtout une découverte géorgienne. En Géorgie, avant la pénicilline ils ont découvert des virus qui bouffent des bactéries, etc., etc. Ils avaient donc la pénicilline avant la lettre. Ils en ont une collection immense. Ils couvrent toutes les maladies. Il y en a qui viennent à peu près du monde entier. Pourquoi ça n'a pas été mieux connu que ça ? Les Américains se le demandent même encore. C'est vraiment le gag du côté américain, les découvertes scientifiques qui n'ont pas été traduites en anglais n'existent pas. Alors ils sont passés à côté. Et puis après il y a eu la pénicilline qui est d'ailleurs la solution de facilité, après, la pénicilline n'a plus très bien marché, mais les phages marchent toujours.

Polar : Mais comment ils sont arrivés à découvrir les phages ?

F.R : Ils ont fait une découverte comme on a découvert la pénicilline. Ils l'ont fait bien avant. Observation, et ce génie...

Polar : Ca vient pas du chamanisme?

F.R : Non, non! C'est le génie du bricoleur russe que j'admire énormément. Les Russes ils peuvent vous faire une bombe atomique dans un atelier de motos...

Polar : Donc après cet épisode à Honfleur, côte normande... la peinture vous intéresse beaucoup a priori.

F.R : Non.

Polar : Non, pas du tout?

F.R : Une certaine peinture. Oui, si vous voulez la peinture m'intéresse beaucoup mais j'y connais rien. Mais je suis très touché quelques fois par la peinture. Extrême-orientale. Les artistes japonais et chinois.

Polar : Après, vous êtes à la Série Noire. Comment ça s'est passé ?

F.R : Duhamel ! J'étais en Espagne. Avec... je sais pas si j'étais marié... avec cette fille... avec une fille... des grandes années hippies... Et puis je reçois un télégramme me demandant de venir à Paris, etc. pour le prix de Machin... de romans policiers. Alors ils ont fait tout un truc là-dessus, on était arrivés couverts de peaux de bêtes... mais ils étaient complètement dingues ! le côté pittoresque ! Et puis après... je connaissais très bien Duhamel, on peut pas dire très copain parce qu'il a jamais été très copain avec qui que ce soit, mais enfin on le connaissait bien, et on habitait pas loin... l'un de l'autre... dans le Sud, et puis là je suis resté je sais pas dix... douze ans... dans un climat vraiment de sympathie... de rigolade... qui est de cette époque, qui n'existe plus maintenant.

Polar : Parmi les livres de cette époque, une chose qui est frappante c'est votre approche de l'espionnage déjà dans Opération Millibar. Vous avez fréquenté un peu les gens du Service secret?

F.R : Ben oui ! On me l'a demandé, bien sûr.

Polar : Mais là je vous le redemande !

F.R : Oui ! Attendez ! Excusez-moi. Je fais une parenthèse. Il y a un truc qui me revient au sujet de Ventura, et du Silencieux. C'est que le personnage du Silencieux... de mon bouquin, c'était un agent dormeur. Ce qui était pour moi intéressant, en écrivant ce livre, c'est qu'ayant été comme La Belle au bois dormant pendant dix ans il pouvait pas être ce personnage... de Ventura, il était un peu paumé. Et c'était ça qui était intéressant... Et ils sont passés complètement à côté. Monsieur Jean-Loup Dabadie (le scénariste NDLR), qui lui ne sait même pas de quoi il parle, le premier. Mais ce qui est bizarre, c'est qu'on m'a jamais interrogé, on m'a jamais demandé mon avis, pour le tournage.(3)

Polar : Vous aimez le Ventoux probablement?

F.R : J'habitais pas loin. C'est magique le Ventoux.

Polar : C'est magique même si on aime le vélo ! C'est quand même un des grands moments du tour de France !

F.R : Je l'ai fait, le truc dont je parle dans Autobiographie d'un tueur professionnel, je l'ai fait avec ma fille, la nuit... de descendre le Ventoux, sans freins, au clair de lune, vraiment failli se casser la gueule... J'aime pas le vélo, en plus. Il y avait un moment où tous les matins je faisais vingt bornes à pied. Sous le Ventoux. Il y avait une petite maison dans une forêt, j'habitais là avec une fille, on était en hiver, on était fauchés comme les blés, et on a vécu un peu sur la campagne... on mangeait des noix... Il y avait un immense noyer, dans le village, on allait voler des pommes sous la neige... qui étaient conservées dans les champs, on volait des amandes, on a volé des poireaux, on faisait des trucs comme ça. On faisait des soupes. La nuit il y avait des petits animaux de la forêt qui venaient sur le toit. C'est des beaux souvenirs.

Polar : Un truc qui paraît bizarre : vous êtes un écrivain de la nature.

F.R : Oui.

Polar : Curieusement. Il y a une sorte de sensualité, par rapport à la nature, qu'on trouve au détour des phrases... D'un autre côté vous en avez une vue assez paradoxale, mais qui était assez nouvelle pour l'époque, vous vous intéressez aux philosophies orientales. Cela donne à la fois une vision panthéiste, et un regard zen.

F.R : Oui. Une relation chamaniste avec la nature...

Polar : Votre intérêt pour l'orientalisme, il est bien avant ce qu'on a appelé ici vaguement le New Age ou...

F.R : Oh ! là, là.

Polar : Parce que très curieusement il y a aussi l'intervention des objets volants non identifiés dans un de vos romans... Les soucoupes volantes !

F.R : Lequel ?

Polar : Feu vert pour poissons rouges !

F.R : Il n'y a pas de soucoupe volante dans Feu vert pour poissons rouges !

Polar : Vous savez... où ça se termine en Amérique du Sud !

F.R : Non ! C'est pas Feu vert pour poissons rouges !

Polar : Incognito vers ailleurs.

F.R : Vous avez raison ! J'avais oublié ce livre ! Complètement... Tout le monde l'a oublié. C'est pas un très bon livre. C'était à la Série Noire, ça...

Polar : Je ne connais pas d'autre apparition de soucoupes volantes, dans la Série Noire.

F.R : En général le polar est très très rationaliste !

Polar : Comment se sont passés vos rapports avec la Série Noire, Gallimard, après Duhamel ? Pourquoi vous avez quitté ?

F.R : Parce qu'on m'a offert un peu plus cher ailleurs. C'est tout.

Polar : Mais ça n'a pas été le paradis à ce moment-là chez Albin Michel...

F.R : Dans ma vie ç'a jamais été le paradis. J'ai jamais eu le paradis ; ç'a toujours été dur... dur... dur... difficile, et galère. (4)

Polar : C'est le cas de beaucoup d'auteurs français.

F.R : Sauf ceux qui écrivent des choses très ennuyeuses. Parce qu'ils ont une carrière... Ils ont les Goncourt... Ils ont... Certains auteurs de Gallimard, que je ne nommerai pas, ils ont une sorte de carrière académique.

Polar : Les années 1960-1970 étaient quand même beaucoup plus respirables dans l'édition... ou le cinéma qu'aujourd'hui.

F.R : Oh ! oui... mais il n'y avait pas cette sorte de folie, cette frénésie de gagner du fric le plus vite possible. Comme si on s'attendait au déluge ! Comme s'il y avait quelque chose qui avertissait mystérieusement les gens qu'il faut en profiter à toute blinde, et se foutre du reste, parce que ça va claquer ! Maintenant il faut être bon vendeur. Si vous êtes bon vendeur, vous pouvez vendre de la merde aussi. Par exemple, chez Denoël, l'auteur devait comparaître devant les représentants... C'est très humiliant ! La première fois que je suis passé devant cet examen, c'était le tribunal populaire ! Horrible !

Polar : Est-ce que vos livres d'espionnage sont des romans d'espionnage ?

F.R : Oui. Ecoutez, j'avais des tests... j'ai un ami qui est russe, avec qui j'ai fait mes études, et qui a épousé ma fille. Il avait beaucoup d'amis au KGB. Et il a pris mon bouquin Feu vert pour poissons rouges. Il paraît qu'ils ont rigolé ! J'avais un autre ami qui était à la CIA. Résultat identique.

Polar : La parapsychologie vous passionne ?

F.R : C'est Opération Millibar où une femme communique télépathiquement avec un homme.

Polar : C'est une relation généralement vouée à l'échec.

F.R : Oui. Comme toutes les histoires... dans la vie sont vouées à l'échec.

Polar : Vous avez une vision proche de celle de John Huston !

F.R : Vous savez, quand j'étais enfant ma mère m'a fait lire Schopenhauer, après ç'a été Céline... (rires) j'ai pas une culture très positive.

Polar : Pourquoi cette collaboration avec Marina Edo ?

F.R : Pourquoi cette collaboration ? Parce que c'est un concours de circonstances. Le métier d'écrivain est un métier extrêmement solitaire. Et il y a des moments où on se tape un peu la tête contre les murs, de solitude... dans ce métier... Et il y a des moments où j'aurais aimé faire partie d'une équipe de cinéma. J'ai jamais pu ; ça s'est jamais fait. Il fut un moment, où je suivais les tournages, par goût. L'atmosphère, tout ça... Le travail d'équipe, j'aime beaucoup.

Polar : Pourquoi vous n'êtes pas passé à la mise en scène ?

F.R : Lebovici et Livi (agent et producteur français NDLR) m'ont dit : " Tu es un homme de romans, continue à écrire tes romans ! Oublie la mise en scène. "

Polar : Vous avez bien connu Gérard Lebovici ?

F.R : Oui... assez. Oui.

Polar : Qu'est-ce que vous pensez de sa mort ?

F.R : (Rires)... Une question que sa femme m'a posée, tiens ! ... (Long silence)... C'est pas des choses sûres... On doit pas remuer des choses... J'aimais bien Lebo parce qu'il était un homme intelligent. Lebovici m'a aidé, justement pour la mise en scène, il m'avait donné de l'argent pour faire un court-métrage, qui servit de test. Il y a un grand comédien qui m'a torpillé complètement. Tout ça... ç'aurait peut-être été une erreur, parce que c'est un truc tellement de longue haleine d'être réalisateur... attendre trois, quatre ans avant un film... j'aurais laissé tomber, je n'aurais jamais eu cette patience. Alors j'ai connu Marina Edo tout à fait par hasard, je parlais avec elle, je me suis dit cette fille est complètement mythomane ou elle a une imagination délirante ! Et j'ai dit il faut voir ce que ça donnera cette imagination si on la colle au pied du mur. C'est une fille qui a énormément d'humour... on a travaillé dans la rigolade du matin au soir, les gens nous disaient vous riez tout le temps qu'est-ce que vous avez... Et c'est une collaboration qui continue, et que j'aime beaucoup, on a fait un livre, je sais pas si vous l'avez lu, La Petite Fille dans la forêt ?

Polar : Dans votre collaboration avec Marina Edo, ce qui retient c'est cette surenchère sur la relation du couple.

F.R : Ca m'a rafraîchi ! Moi qui sortais de la morgue ! Au fond... parce que ma vie d'écrivain c'est déjà un peu la morgue.

***

F.R : Pendant la guerre, j'étais prisonnier des Allemands. J'ai été fait prisonnier à Rennes, j'ai été blessé. Et après j'ai été envoyé aux... ce qu'ils appelaient les corvées agricoles. Et puis après ils ont commencé à envoyer des gens en Allemagne, et comme moi j'avais eu la chance d'être sur un bateau qui avait explosé... (5)

Polar : C'est ce que vous racontez dans Requiem pour un navire !

F.R : Voilà ! Et on m'a mis à l'hôpital, et là pour pas partir en Allemagne, j'ai fait le fou, vraiment... j'ai piqué une crise... tout le bordel... les flics sont venus me chercher... et on m'a collé au cabanon. Cabanon la nuit... Je me suis retrouvé à l'hôpital général de Saint-Servans, qui était un hôpital de grands alcooliques... Qui s'occupait de la salle ? C'était une religieuse... irlandaise, de vingt-deux ans, qui était d'une beauté... dont je suis tombé fou amoureux. On m'a collé dans une salle avec quarante vieillards... fous... mais fous à lier ! Et je suis resté six mois là-dedans, je crois. Et ç'a été une expérience fabuleuse... parce que là... les vieillards, il y avait des infirmiers... ils leur foutaient des beignes terribles... aux vieillards ! Et puis à force... je me suis aperçu que ces pauvres infirmiers tombaient dans un gouffre qui était provoqué par les victimes. Ils appelaient. Ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour se faire foutre des trempes. A la fin j'ai compris. J'ai pris des beignes aussi. C'a été une expérience très... très... très... très enrichissante.

Polar : C'est aussi dans Requiem pour un navire que vous racontez une partie de votre jeunesse. Vous venez d'une famille... bourgeoise...

F.R : Plutôt artiste ! Ma mère était pianiste... elle voulait être pianiste-concertiste. Je peux faire ces confidences, je les ai déjà faites, à cette époque là. Mes parents me désiraient pas du tout. Je suis venu comme ça. Ils se sont mariés à cause de moi. Etc. Etc. Mon père était à la fois assureur et flambeur. Et toute mon enfance s'est passée dans le luxe ou la misère. Tout d'un coup il y avait les huissiers qui arrivaient, j'allais coucher chez des copains russes qui eux-mêmes avaient été saisis, enfin c'était tout ça...

Polar : Attendez ! On est en quelle année, là ?

F.R : 36. Au moment des grèves...

***

F.R : Vous savez que je suis interdit de séjour à la télé ?

Polar : Ah ! ça ne m'étonne pas de vous.

F.R : Depuis Pivot ! J'ai eu une histoire avec Pivot. J'aurais pas dû faire ça ! Il y avait en face de moi un curé loubard... Et je sais pas ce qui m'a pris, je lui ai dit : pourquoi est-ce que vous vous occupez des pauvres ? Il m'a dit... parce que les pauvres... Je lui ai dit : vous avez tort, parce que d'un point de vue évangélique les pauvres ont le royaume des cieux tout de suite ! Si vous croyez en Dieu, c'est de Ryck qu'il faut vous occuper. Mon Dieu ! ça a fait un froid ! Tout le monde m'a regardé comme si j'avais dit des obscénités !

Polar : Vous avez dit des obscénités !

F.R : Après, Pivot m'a dit : oui, en somme, vous avez des amis qui sont des cambrioleurs... ou des voleurs... ou je sais pas quoi... est-ce que vous gagnez beaucoup d'argent avec eux ? J'ai dit arrêtez de poser des questions comme ça ! C'était fini. La caméra m'a abandonné.

Polar : L'humour c'est pas bien vu non plus. Surtout quand l'humour est provocation, généralement ça se termine mal. C'est comme d'aller se suicider à l'Elysée, dans un salon...

F.R : Je connais un type, il l'a fait ! Il s'appelait... Il a fait Adieu à la bien-aimée ! Comment il s'appelait ? ... avec Dutronc, ce film... voyez ce film... Retour à la bien-aimée ! (de Jean-François Adam, NDLR) c'est un type qui était hanté par tout... Il est venu un moment chez moi... dans le Midi... Il passait son temps... Je roulais à quarante à l'heure... Mais non tu ne regardes pas ! Attention au virage ! Etc. Et qui prenait des pilules... des pilules... des pilules... Et qui m'a dit je vais me suicider. Je lui ai dit tu es un con ! Quand on dit qu'on va se suicider on se suicide pas ! Après il est parti il est allé chez Dutronc en Corse. Françoise Hardy l'a foutu dehors !
Il est rentré à Paris. Il est allé demander l'hospitalité... à des amis ! Sa femme le trompait, en plus ! Et là il s'est flingué. Il s'est tiré un coup de revolver dans la bouche. Chez des amis ! Ils étaient fous de rage ! Nous faire ça à nous ! Alors qu'il avait un appartement... Oui ! Mais il était pas mal ce type. Il était intelligent. Il était pas mauvais metteur en scène. Retour à la bien-aimée...

Polar : Qu'est-ce que vous avez d'autre comme projets ? Après le roman qui sort ?

F.R : Comme projet ! ? (rires) J'ai un film que je voudrais faire, je sais pas si on peut le dire... avec Catherine Deneuve... C'est un grand projet pour moi. C'est une fille que j'aime bien. J'ai plusieurs projets, plutôt de films en ce moment. Et j'ai un bouquin que je suis en train d'écrire, qui s'appelle Les Mauvais Garçons, c'est une chanson russe. D'avant la révolution. Les Mauvais Garçons c'est juste avant la guerre de 39. Ca se passe dans le milieu franco-russe, dont je vous parlais. Et ce sont ces garçons qui savent très bien qu'ils n'auront pas d'avenir. Comme il y a des garçons en ce moment qui savent qu'ils n'ont pas d'avenir. Des garçons qui ont seize ans, qui foutent le camp de chez eux... et qui vivent comme des clochards... au bord de la Seine... avec des clochards... ou qui filent au quartier Latin dans un hôtel qui s'appelait le Champollion, où ils se réunissent pour dire de la poésie d'avant-garde, ou de voler des voitures et de partir avec la voiture... d'emmener des filles à Fontainebleau... pour planter des drapeaux dans les pensions, dans des hôtels... Et... C'est cette vie-là ! Ca s'appelle Les Mauvais Garçons. Et ça finit à la morgue bien-sûr.

Polar : C'est bien de raconter une histoire... pas connue. C'est un autre monde.

F.R : Un autre monde. On a eu tort de s'imaginer que c'était un monde tranquille... que tout ça c'était réservé à Pépé le Moko ! C'est pas vrai.

Polar : Le romantisme de la jeunesse est toujours quelque chose qui est là.

F.R : Oui.

Polar : Avec ses transgressions...

F.R : C'est toujours là ! Mais aujourd'hui, on vit vraiment une époque où il n'y a plus de romantisme ! C'est-à-dire no future... destroy... etc. ça atteint quelque chose... ça atteint les rêves. Finalement les gens... beaucoup de personnes pensent que la musique techno... la musique techno c'est quoi... c'est une musique répétitive d'il y a quarante ans ! C'est pas une nouveauté la musique répétitive ! Simplement que là c'est de l'abrutissement total ! On n'a même pas fini avec le XIX ème siècle, et on va passer au XXI ème siècle !

Polar : Vos personnages boivent très peu.

F.R : C'est vrai... C'est vrai...

Polar : Vous pensez que l'alcool est un moyen de connaissance ?

F.R : L'alcool ? Je crois. Oui, ça peut être une discipline mystique.

Polar : Vous l'avez trouvée, la sérénité ?

F.R : Par moments. Pas toujours. Il y a rien... On peut jamais dire j'ai trouvé quoi que ce soit...

Polar : Elle vous a rencontré peut-être...

F.R : Parce que nous sommes des rigolos. Au fond. On est des clowns...

Polar : Les clowns ça peut être triste, ça peut être gai !

F.R : Ouais. Ouais...

Polar : Ce qui représente le mieux la condition humaine finalement.

F.R : Je suis en train de relire un truc extraordinaire... par un auteur chinois du III ème siècle... Il y a de ces trucs absolument extraordinaires ! Il croit absolument à rien. Il fout tout en l'air ! III ème siècle...

Polar : Mais d'où vous vient cette grande fréquentation de l'Orient profond ? Quand est-ce que cela vous a pris ? Après Janson ?

F.R : Non. Je suis allé en Chine.

Polar : A quelle époque ?

F.R : Juste une année avant La dernière Contestation. Et quand j'étais gosse, j'écrivais... en classe de 9e ou de 8e... chez les frères, j'inventais des idéogrammes... j'avais la passion. Et ça m'est resté tout le temps...

Propos recueillis le vendredi 1er octobre 1999 par Jean-Pierre Deloux et Alfred Eibel.

Je me suis permis ces quelques notes pour éclairer cette très belle interview !

(1) Il semblerait que Ryck ne voit pas réellement ce que l'interviewer veut dire ici. Les casses (de leurs élaborations jusqu'à leurs mises en oeuvres) sont très fréquents dans la littérature noire et "Mélodie en sous-sol" n'en est qu'une déclinaison supplémentaire, aussi réussie soit-elle. Ce que Francis Ryck a de nouveau c'est la mise en lumière des petits cambrioleurs, des monte- en- l'air, personnages effectivement peu exploités dans la littérature policière avant lui.

(2) On ne peut qu'être d'accord. "L'entourloupe" est même devenu culte pour certains cinéphiles. Dutronc, Lanvin, Marielle y échangent des dialogues souvent savoureux signés Audiard ! C'est le seul film qui a su capter le fragile équilibre entre cynisme et tendre humanité dont Francis Ryck était capable. On peut dire que même Costa-Gavras a échoué avec "Conseil de Famille", un scénario en or pourtant.

(3) Il y a des personnages ryckiens ou pas... Ventura était un grand acteur mais n'était effectivement absolument pas le personnage et certainement pas un personnage ryckien. L'équipe qui a adapté le livre n'a rien compris. Au final, le livre et le film n'ont pas grand chose à voir ! Et, comme bien souvent, le livre est largement supérieur.

(4) Je retrouve bien là la théorie de l'homme, de l'ami que j'ai bien connu... La vie parfois comme un long purgatoire... ou une peine carcérale ! Voire même une illusion... ce qui explique son attrait pour les philosophies orientales.

(5) Le marin Yves Delville était sur le contre-torpilleur Maillé-Brézé qui a coulé le 30 avril 1940 au large de Greenock, suite à l'explosion accidentelle d'une torpille. cf "Requiem pour un Navire".